L’horreur des enfants au Soudan du sud

Article : L’horreur des enfants au Soudan du sud
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2 juillet 2015

L’horreur des enfants au Soudan du sud

Le rapport de l’ONU publié sur les violences subies par les femmes et les filles de ce pays en guerre depuis un an et demi vient confirmer en quelques sortes les révélations de l’UNICEF (mi-juin) concernant les atrocités commises sur les enfants au Soudan du Sud.

Un témoin oculaire des bavures relate les faits lorsqu’il parle d’«un viol collectif perpétré par les forces gouvernementales contre une femme qui allaitait». Les soldats auraient jeté le bébé au sol. Un autre raconte comment des militaires ont forcé une femme à serrer entre ses mains «du charbon ardent», dans le but de lui faire dire où se trouvaient les rebelles et le bétail. Quelle horreur! Dans un rapport publié mardi, des enquêteurs de la Minuss (Mission des Nations unies au Soudan du Sud ) révèlent les exactions commises par des militaires sud-soudanais. L’ONU évoque une «brutalité nouvelle» dans le conflit sanglant qui ravage le jeune pays depuis un an et demi. Elle met en garde contre des «violations des droits de l Homme généralisées». «L ampleur et le niveau de cruauté qui caractérisent ces informations suggèrent une animosité qui dépasse les clivages politiques», s’inquiète l’Organisation.

Cette enquête accablante s’appuie sur le témoignage de 115 victimes et témoins dans l’Etat septentrional d’Unity, un des plus touchés par la guerre civile, relaye l’AFP. L’armée sud-soudanaise (SPLA) y a lancé en avril dernier une vaste offensive contre les forces rebelles dans le département de Mayom, qui était une zone pétrolifère majeure avant d’être détruite dans les combats. «Les survivants de ces attaques ont affirmé que la SPLA et ses milices alliées du département de Mayom ont mené une campagne contre la population locale, tuant des civils, pillant et détruisant des villages, et provoquant le déplacement de plus de 100.000 personnes», explique l’ONU dans un communiqué. «Certaines des accusations les plus inquiétantes compilées par les agents des droits de l’Homme de la Minuss portent sur l’enlèvement et des abus sexuels contre des femmes et des filles, dont certaines auraient été brûlées vives dans leurs maisons.» Les enquêteurs évoquent au moins neuf incidents séparés au cours desquels «des femmes et des filles ont été brûlées dans des huttes après avoir été victimes de viol collectif», mais aussi de nombreux autres cas d abus sexuels, des mères notamment violées devant leurs enfants. Des photos du rapport, que l’AFP a pu voir, montrent des traces circulaires noircies, restes des huttes incendiées et visiblement réduites en cendres.

DES ENFANTS MORTS ÉMASCULÉS, D’AUTRES DÉCAPITÉS EN GROUPE…L’ONU dit avoir tenté de se rendre sur place, mais s’être vu refuser systématiquement l’accès. L’armée sud-soudanaise n’a pas encore réagi à ces accusations. A noter que le camp rebelle a lui aussi été soupçonné à plusieurs reprises de tels crimes, notamment de viols, meurtres et recrutement d’enfants soldats. Le 17 juin, le Fonds de l ONU pour l’enfance (UNICEF) avait déjà accusé les forces armées qui s’affrontent au Soudan du Sud, indépendant du Soudan depuis quatre ans*, d’avoir perpétré des crimes abominables contre des enfants : émasculation, viols, et autres décapitations… «Au moins 129 enfants de l’État d’Unity ont été tués en trois semaines seulement au mois de mai, avait indiqué son directeur général, Anthony Lake. Les rescapés de ces violences indiquent que des garçons ont été castrés et que, laissés à leur sort, ils sont morts vidés de leur sang… Des filles, dont certaines âgées d’à peine 8 ans, ont été victimes de viols collectifs puis abattues… Des enfants ont été attachés ensemble puis leurs agresseurs leur ont tranché la gorge… D’autres ont été précipités dans des bâtiments en feu.» Insoutenable! «Les enfants sont aussi agressivement recrutés par des groupes armés des deux parties à une échelle alarmante. Environ 13 000 enfants ont été contraints de participer à un conflit dont ils ne sont pas responsables», poursuivait-il, avant de conclure : «Au nom de l’humanité et de la décence commune, cette violence contre les innocents doit cesser.» Franchement!

La guerre civile déchire le Soudan du Sud depuis le 15 décembre 2013, après que l’ancien vice-président Riek Machar, issu de la tribu Nuer, est entré en rébellion contre le président Salva Kiir, qui est pour sa part du peuple des Dinka, et l’a écarté du pouvoir. Diverses milices tribales se sont jointes, d’un côté ou de l’autre, aux combats… Plusieurs cessez-le-feu ont été signés mais pas respectés; des pourparlers de paix ont échoué en mars en Ethiopie. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont imposé des sanctions à des chefs militaires des deux camps. Aucun bilan officiel du conflit n’a jamais été établi, mais selon des observateurs, il serait de l’ordre de 10.000 morts. Et d’1,54 millions de déplacés dont la moitié sont des enfants selon l’Unicef. Comme si cela ne suffisait pas, la crise alimentaire et sanitaire (avec la menace d’Ebola et du choléra) s’ajoute au drame. Un enfant sur trois souffrirait de malnutrition dans les zones les plus touchées par les violences. Quelque 250.000 enfants «risquent de mourir de faim». Environ 3,9 millions de personnes seraient confrontées à une insécurité alimentaire particulièrement grave. Plus globalement, les deux-tiers des 12 millions d’habitants du pays auraient besoin d’aide pour survivre.

* Le pays, l’un des plus pauvres du monde malgré ses richesses pétrolières, a proclamé son indépendance en juillet 2011, à l’issue d’un des plus longs et sanglants conflits d’Afrique (1983-2005, deux millions de morts) contre le régime de Khartoum qui l’a laissé exsangue.

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